L’une des utilisations du bois de cèdre encore très répandue est la marqueterie. Cet artisanat, incrustation d'essences de bois différents, d'os ou d'ivoire, est très en vogue actuellement. Les produits en provenance d’Essaouira, à base de bois de Thuya, sont particulièrement réputés au niveau national. Cependant, la marqueterie de Fès semblerait être nettement plus ancienne et aussi plus fine.
Depuis le début du XXème siècle, la famille Kadiri occupe une échoppe dans l’enceinte du Musée du Batha. Le grand père M’Hamed Kadiri et son frère Tayeb ont commencé leur carrière en participant à la restauration du minbar (la chaire) de la médersa Bou Inania. Passionnés par le travail minutieux du bois, ils se sont alors intéressés à la marqueterie très fine, à la sculpture sur bois d’arbres fruitiers, à l’enluminure et à la calligraphie.
En 1915, le Palais du Batha devient le « musée des Arts Traditionnels et Populaires ». Vers les années 1930, le conservateur, Monsieur Vicaire, artiste lui-même, a voulu mettre en valeur les métiers d’art tels que la marqueterie, la reliure, la sculpture sur bois, la céramique, le travail du bronze. Il a vivement encouragé les Frères Kadiri en leur attribuant une échoppe parmi les « ateliers des Beaux arts ». Depuis, trois générations se sont succédées dans cet atelier où l’artisanat rejoint l’art avec un grand A grâce au savoir-faire, à l’esprit de création, à l’amour du travail bien fait de ces artisans.

La proximité des cédraies de l’Atlas a permis aux artisans fassis de perpétuer la longue tradition du travail du bois, tradition venue d’Andalousie. Au XIVème siècle, dans Rawd Al Kirtas, Ali ibn abi Zar, notait déjà : «  A un mille environ de Fès, est situé le Jbal beni Yazgha, qui fournit ces quantités indicibles de bois de cèdre qui chaque jour arrivent en ville ». Aujourd’hui, hélas, la superficie des cédraies du Moyen Atlas et du Rif diminue. Souvent, le surpâturage est mis en cause car les nombreux troupeaux de moutons et de chèvres broutent les petites pousses qui pourraient assurer la régénération de la forêt. Les cèdres dominent les forêts et on peut voir de loin les arbres morts blancs sans aiguille et sans écorce comme le célèbre cèdre Gouraud. En théorie, ce ne sont que ces arbres qui doivent être utilisés comme bois de chauffage ou comme bois d’œuvre….en théorie…..

Toutes ces essences offrent aux artistes une large palette de nuances leur permettant de  créer des œuvres chaque fois différentes.
A ces couleurs, s’ajoute le rose du thuya. Le corps des objets est principalement réalisé en cèdre qui leur assurera une longue vie.
D’autres essences sont importées : l’ébène (Sénégal, Côte d’Ivoire) l’acajou, l’amazaqui (d’Afrique Equatoriale et d’Amérique Latine) et le hêtre.
La première étape du travail est le choix du morceau bois qui a vieilli entre 5 et 10 ans, ensuite… « Suivre l’inspiration du jour » dit  Taoufik qui travaille en duo avec son père Si Mohamed. Pour réaliser un couvercle de boîte de 8 centimètres de côté, le marqueteur commence par le montage. Le fond du couvercle est placé à quelques millimètres du bord. L’espace ainsi aménagé, est rempli par des morceaux de bois d’essences différentes qui forment le dessin. Le marqueteur peut marier 7 ou 8 espèces de bois pour obtenir une véritable mosaïque. Les plus petits cubes utilisés n’ont que deux millimètres de côté. Pour varier la décoration  il peut faire de la marqueterie seule ou marier marqueterie et sculpture. Les artisans ont eux-mêmes fabriqué les gouges, burins, trusquins qu’ils utilisent.

Pour faire la boîte entière : montage avec des charnières en bois, incrustation, ponçage, finition, garniture intérieure, vernis, il faut que le père et le fils travaillent pendant 2 jours. Pour une boîte de 12 centimètres sur 8, il faut 4 jours et pour un échiquier, 2 mois sont nécessaires. Toutes ces pièces uniques sont signées, mêmes les petits objets tels que les coupe-papier ou les pendentifs qui sont, eux aussi, de beaux exemples de la variété et de la finesse du travail des deux artistes.
Taoufik est intarissable lorsqu’il parle de sa famille, de son métier de « patience et de passion », de la texture des différents bois, de leurs couleurs et de leurs qualités. II aimerait tant que la tradition soit respectée : qu’une quatrième génération de Kadiri prenne la relève de cette entreprise familiale…